Le graphisme et l’écologie : diminuer son impact avec l’éco-conception
Comment améliorer l'impact environnemental et social d'un produit, de sa conception à sa fin de vie en passant par sa production ?
DESIGN
Conduire, faire à manger, envoyer des mails...
Force est de constater que nos activités quotidiennes, aussi banales soient-elles, ont un impact non négligeable sur l'environnement, générant des émissions de gaz à effet de serre et diverses pollutions.
Alors rien ne sert d'être alarmiste et de partir en pleine montagne vivre dans une grotte et manger des cailloux (oui, les écolos ont une machine à laver et un téléphone !).
Chacun.e d'entre nous peut néanmoins contribuer à réduire son empreinte écologique en adoptant des gestes simples au quotidien, pour la protection de notre planète et l'amélioration du bien-être de tous les êtres vivants. D’ailleurs, je parle d’impact environnemental, mais le social entre aussi en jeu (impact sur chaque individu, la société, l’économie etc.).
Et le domaine du graphisme ne déroge pas à la règle.
Mon but ici est de vulgariser les informations et de les rendre plus accessibles. Je ne pourrai pas rentrer dans les détails ni vous apporter trop de termes techniques. Tous les points sur ce thème ne pourront d’ailleurs pas être abordés dans cet article. Certain.es professionnel.es seront plus légitimes pour en parler, car je débute dans l’éco-conception. Mais ce sujet me tient à cœur. Alors si je peux apporter ma pierre à l’édifice, offrir une visibilité sur le sujet et éveiller les consciences et les curiosités, alors mon objectif est atteint !
Le but est que, créatif.ves comme client.es, nous devons tous et toutes être conscient.es et attentif.ves à chacune de nos actions. Elles ont toutes un impact environnemental et social que ce soit dans notre vie personnelle comme dans notre vie professionnelle.
C’est parti !
1 - l'identité visuelle
Votre logo est la signature de votre marque, votre entreprise.
Il retranscrit le message que vous souhaitez faire passer à votre client.e idéal.e. Il reflète vos valeurs et correspond à votre savoir-faire. Il doit être unique et intemporel.
Pour cela, il est primordial de réaliser un benchmark de vos concurrent.es. Notez ce qui se fait sur votre marché, ce qui vous plaît, ce qui ne vous plaît pas. Oui.
Mais il faut tout de même garder une certaine distance afin de ne pas tomber dans le mimétisme. Attention à vos inspirations que vous gardez trop souvent en tête. Vous finirez par être bridé.e et déçu.e des propositions de votre graphiste qui, lui/elle, souhaite que votre entreprise se démarque tout en restant cohérente avec son marché.
Il est intéressant de discuter avec votre prestataire de la création d’une version moins énergivore. Certaines entreprises ont un logo assez imposant, très détaillé ou avec de gros aplats de couleurs.
Si vous avez la possibilité d’opter pour un design minimaliste, de réduire l’épaisseur de la police, des traits, d’opter pour des formes en contour plutôt que pleines, alors vous participez à réduire le taux d’encrage de vos supports imprimés. Le tout est de rester lisible, reconnaissable et original.
Crédits photo Pexels : George Milton | Tranmautritam
L'identité visuelle
- un logo original et sa version moins énergivore
- une palette de couleurs et des polices éco-conçues
Un logo original et sa version moins énergivore
Une palette de couleurs et des polices éco-conçues
C'est le point dont on parle le plus dans l'éco-conception. C’est d’ailleurs par ce point que je commence ma transition écologique dans ma vie professionnelle.
En impression, les couleurs sont en CMJN : Cyan, Magenta, Jaune et Noir. Ces 4 couleurs à leur maximum, donne un taux d’encrage de 400%. Pas besoin de vous faire un dessin, 400% c'est 4 fois trop. Une couleur éco-conçue, c'est une couleur qui sera inférieure ou égale à 100%.
"Oui mais elles sont un peu fades non ?"
Il est vrai que les couleurs éco-conçues paraissent un peu ternes. C'est pour cela que des couleurs d'accent sont grandement bienvenues !
Il suffit juste de bien les utiliser et de les limiter (c’est là que la charte graphique ou le brandboard sont bien utiles !). Les couleurs qui consomment le plus d’encre seront utilisées pour des petits éléments qui sauront égayer vos supports, sans surcharger le visuel. Les fonds et les gros aplats de couleurs imprimés, on oublie !
Les supports imprimés
Les supports numériques
2 - les supports imprimés
L'impression consomme de l'encre et du papier.
Alors avant d'imprimer, posez-vous les questions suivantes : êtes-vous sûr.e de l'utilité de ce support ? Sera-t-il jeté rapidement ? N'y a-t-il pas un autre moyen de montrer ce que vous souhaitez communiquer ? Quels sont vos réels besoins concernant cette communication ?
Bien sûr, ne culpabilisez pas dès que vous passer par l'impression ! L'important est d'en être conscient.e et de réaliser de petits gestes à votre échelle. Par exemple…
Le choix du format : une carte de visite aux bords arrondis ou au format original aura beaucoup plus de chute de papier qu’un format classique rectangulaire en 85x55mm.
Le choix du pelliculage : si votre support doit tenir quelques années, cela peut paraître nécessaire de lui apporter une solidité supplémentaire. Si vous estimez que non, alors n’optez pas pour cette option qui rend le papier difficilement recyclable.
Le choix des finitions (vernis sélectif, dorure, gaufrage…) : comme le pelliculage, les finitions de type vernis sélectif et dorure ne permettent pas un bon recyclage. Le gaufrage, qui permet d’apporter du relief, est sans doute le plus écologique si la plaque qui permet de réaliser le motif peut être réutilisée.
Lorsque l’on procède à une impression, il faut pouvoir se renseigner sur l’origine de chaque matériau, la provenance du papier, et comment la création pourra être recyclée.
3 - les supports numériques
Un site web peut aussi être éco-conçu !
Parce que vos données doivent être stockées sur un serveur, si vous surchargez votre site de photos HD grand format, de vidéos et autres éléments, plus il sera lourd et plus il consommera des ressources. Vous serez perdant.e dans l’histoire : plus votre site est lourd, plus le temps de chargement sera long, plus le taux de rebond sera élevé (taux qui indique que le visiteur ne reste pas sur votre site !).
Éco-concevoir un site, c’est aussi choisir un hébergement vert, tester l’éco-responsabilité de son site et corriger ce qui peut l’être.
Personnellement, j’utilise Website Carbon Calculator, Eco Index et Eco Grader pour me guider. Problème : je suis A sur le premier, C sur le deuxième et B sur le troisième !
Comme le cite Eco Index : “Il permet de prendre conscience de l’impact environnemental d’internet et de proposer des solutions concrètes.”
Voilà ! Je pense que ça fait déjà pas mal d’informations à analyser et à retenir. Elles font partie des premières bases de l’éco-conception. Je pense qu’il faudrait l’enseigner dans toutes les écoles de création et sûrement écrire un livre en plusieurs tomes pour pouvoir tout dire.
D’ailleurs si ce sujet vous intéresse et que vous souhaitez commencer à mettre en pratique certaines choses pour votre entreprise, je vous conseille le livre de Lucile Quero : L’éco-conception pour les graphistes. Sa formation Create for Good permet de se former sur tous ces points et de se sentir plus aligné.es. Avec elle on parle de démarche systémique, de biomimétisme...
Deux autres graphistes que j'admire à ce sujet : Lucie Colin, diplômée d'un master en design éco-responsable, et Ludivine Dormes (L'Atelier Denature), membre de l'Écume de Mai (Associations de freelance sur la communication responsable) qui lance sa formation sur l'éco-conception en juin !
L’éco-conception c’est aussi prôner l’inclusivité et l’éthique dans la communication, faire attention à l’accessibilité concernant les couleurs, la lisibilité du contenu typographique, se renseigner sur les différents type d'impression, les certifications et labels, la proximité des fournisseurs, le recyclage et la fin de vie de chacun de vos supports…
Personnellement, je fais déjà de mon mieux dans ma vie personnelle et dans le choix de mes client.es dans ma profession (on peut toujours faire mieux, certes). Je souhaite maintenant intégrer l’éco-conception dans ma manière de travailler (formation en cours). Le but est d’être cohérente à 100% et en phase avec mes valeurs et celles que je partage avec mes client.es.
Pour conclure, je rappelle qu’aucune création n’est à 100% écologique et que des compromis seront à faire selon votre projet, votre budget, votre marque…
Le but est de faire de votre mieux et de ne pas culpabiliser si vous souhaitez utiliser une couleur plus énergivore en encre. En être conscient.e est déjà un grand pas. La créativité n’a pas de limite et doit rester plaisante à faire comme à regarder.
Certain.es d'entre vous connaissent également les couleurs Pantone. Il s'agit d'une couleur qui ne peut être créée via les 4 encres classiques. C’est un mélange déjà effectué en amont, qui permet finalement de ne pas avoir la même couleur que tout le monde.
Vous connaissez sûrement la fameuse semelle rouge des chaussures LOUBOUTIN qui un Pantone ! (couleur d’ailleurs déposée avec difficulté il y a quelques années).
Si vous souhaitez utiliser une couleur Pantone pour vos impressions, l'imprimeur devra ajouter la couleur au CMJN. Vous l'avez compris, niveau écologie c'est moyen (il faut penser à la création de cette couleur mais également au nettoyage). Et en plus, ça vous coûtera plus cher !
Il existe également des encres à base d’huiles végétales qui, malheureusement, ne sont pas encore adaptées à tous les types d’impression. Et encore faut-il connaître la traçabilité des produits et donc la provenance de ces huiles…
Pour les polices, c’est plus une affaire de graisse (étrange cette tournure de phrase).
Plus elle est épaisse, plus elle consommera d’encre. Il existe des polices dites "green", également appelées des éco-fonts, mais encore très peu pour se démarquer. Le simple conseil que j’ai à vous donner sur ce point est de privilégier des polices qui comportent différentes graisses : premièrement pour ne pas surcharger le serveur de dossier de polices sur le web concernant votre site, deuxièmement pour utiliser les plus fines pour l’impression. Attention encore une fois à être attentif.ve sur la visibilité et la lisibilité de vos textes.
Guide de couleurs éco-conçues par Sylvain Boyer, créateur du concept de l'Éco-branding